Início Tecnologia voici ses limites… et comment les marques peuvent tricher

voici ses limites… et comment les marques peuvent tricher

7
0

Derrière la révolution de l’étiquette énergétique smartphone se cache un protocole avec des limites. L’expert qui l’a développé nous révèle ses zones d’ombre.

L’étiquette énergie des smartphones fait ses débuts européens le 20 juin 2025.

Pour aller plus loin
Comment est calculée l’autonomie des smartphones sur l’étiquette énergie

Derrière cette note apparemment simple de A à F se cache pourtant un système de mesure contestable. Xavier Frere, co-fondateur de SmartViser et architecte du protocole européen, lève le voile sur les compromis qui ont du être faits.

Pour aller plus loin
On vous aide à déchiffrer la nouvelle étiquette énergie des smartphones

Quatre heures en boucle pour juger une journée entière

Le protocole officiel simule exactement « 4 heures d’activité par jour« , révèle Xavier Frere. Un chiffre qui interpelle quand les dernières études créditent les Français de plus de 4h30 d’usage quotidien. Cette sous-estimation d’entrée de jeu questionne la représentativité des résultats.

Voici le protocole européen // Source : Ulrich Rozier pour Frandroid

L’expert détaille la mécanique : « 30 minutes d’activité toutes les 2h30 » en boucle jusqu’à extinction complète. Cette approche robotisée ignore totalement nos vrais comportements. Qui utilise son smartphone par tranches régulières de 30 minutes espacées de 2h30 ? Pas grand monde.

Nos usages réels alternent entre périodes d’inactivité totale et sessions intensives : 2 heures de Netflix d’affilée, gaming jusqu’à 3h du matin, navigation GPS pendant tout un weekend. Le protocole européen gomme ces pics de consommation qui révèlent pourtant les vraies faiblesses des smartphones.

Un monde sans 5G, IA ni vrais jeux

L’absence la plus criante concerne le gaming mobile. Face à l’explosion des jeux 3D sur smartphone, le protocole se contente d’une « page WebGL » basique. « On peut pas choisir un jeu, pourquoi on irait choisir un jeu plus qu’un autre ?« , se justifie Xavier Frere.

Cet appareil simule les réseaux : la 4G, la 5G, le Wi-Fi, le Bluetooth, etc. // Source : Ulrich Rozier pour Frandroid

Cette prudence administrative occulte une réalité massive : Call of Duty Mobile, Genshin Impact, Fortnite représentent des millions d’heures de jeu quotidiennes en Europe.

Deuxième angle mort majeur : l’intelligence artificielle. ChatGPT, Gemini, les assistants vocaux nouvelle génération sollicitent intensément nos smartphones. Aucun test n’évalue leur impact énergétique alors qu’ils transforment déjà nos usages.

Enfin, la 5G brille par son absence totale. « On est encore sur la 5G NSA, mais avec la 5G SA dans le protocole dans un futur plus ou moins proche« , admet le co-cofondateur de SmartViser. Un protocole 2025 qui teste en 4G semble déjà obsolète. Le protocole sera mis à jour plus tard, pour y intégrer la 5G et pas seulement.

L’auto-notation, un système à risque

Le principe même du système européen pose problème : chaque constructeur se note lui-même. « C’est le constructeur qui va déclarer« , confirme Xavier Frere sans ambages. Apple évalue ses iPhone, Samsung ses Galaxy, Xiaomi ses modèles budget.

Cette auto-déclaration transforme chaque marque en juge et partie de sa propre performance énergétique. Difficile d’imaginer pire conflit d’intérêts quand on connaît la pression commerciale sur les équipes marketing.

L’excuse officielle ? « On n’est pas un organisme de certification, c’est notre recommandation d’experts« , explique Xavier Frere. SmartViser fournit les outils mais ne contrôle pas les résultats.

Pour aller plus loin
Comment et où consulter la fiche énergie officielle de votre smartphone et de votre tablette ?

Par contre, les constructeurs doivent respecter le protocole mis en place, dont les règles restent tout de même précises. L’écran est reglé sur 400 nits de luminosité, le niveau sonore des haut-parleurs est préréglé, et ainsi de suite.

Les contrôles promis par Bruxelles restent hypothétiques. Certes, « les autorités de surveillance du marché vont prélever les téléphones » pour vérification, mais ces audits a posteriori interviendront des mois après la mise en vente. Le mal sera fait.

Un A ne vaut pas un autre A

Contrairement aux apparences, une même lettre peut masquer des disparités importantes de performance. Xavier explique que « c’est un très bon B« , révélant que la notation fonctionne par tranches larges plutôt que par valeurs précises. Un smartphone noté B avec un index de 2,65 aura une autonomie bien supérieure à un autre B avec un index plus faible, mais les deux afficheront pourtant la même lettre sur leur étiquette.

Cette réalité est encore plus frappante avec les exemples concrets : « les iPhone font par exemple 35 heures sur votre protocole » et obtiennent un B, tandis que d’autres appareils avec des durées très différentes peuvent se retrouver dans la même catégorie.

Source : Ulrich Rozier pour Frandroid

Les écarts de performance au sein d’une même note peuvent être considérables. L’interview révèle des cas extrêmes, notamment avec les tablettes où « il y a certaines tablettes, elles font deux semaines«  tandis que d’autres de la même catégorie durent beaucoup moins longtemps. Xavier souligne cette « telle disparité«  qui fait que des appareils aux performances très éloignées se retrouvent regroupés sous une même lettre.

Pour les consommateurs, cela signifie qu’un smartphone A ne sera pas forcément meilleur qu’un B en termes d’autonomie réelle, et qu’il faudra creuser au-delà de la simple lettre pour connaître les véritables performances énergétiques de l’appareil. Heureusement, l’autonomie mesurée apparaît aussi sur l’étiquette énergie.

Pour aller plus loin
On vous aide à déchiffrer la nouvelle étiquette énergie des smartphones

Un environnement de test simplifié

Le protocole EPREL teste les smartphones dans un environnement volontairement minimal pour assurer la reproductibilité :

  • Bluetooth : Complètement éteint pendant les tests
  • NFC : Désactivé
  • GPS : Pas de géolocalisation active
  • Réseaux secondaires : Seuls WiFi et 4G selon le protocole

Contrairement à un usage réel où des dizaines d’applications peuvent fonctionner simultanément, le test EPREL maintient un environnement « propre » sans processus parasites.

Comme l’explique Xavier Frere : « on doit désactiver le mode économie d’énergie pour faire le protocole et mettre le mode par défaut« . L’objectif est de mesurer la consommation dans des conditions normales d’utilisation, car « le but c’est de mesurer le téléphone dans des conditions où il va consommer normalement« . Cette approche vise à éviter que les constructeurs optimisent artificiellement leurs scores en activant des modes d’économie spécifiques pour les tests. Néanmoins, cela ne garantit pas que les constructeurs n’activent pas certains processus en arrière plan, chaque smartphone a ses propres optimisations et spécificités logicielles.

Source : Ulrich Rozier pour Frandroid

Le protocole révèle également des disparités importantes en matière d’optimisations logicielles entre les constructeurs, sans pour autant les standardiser. Xavier observe qu’ »on voit ceux qui ont une plateforme optimisée, il y a vraiment des constructeurs qui prennent la plateforme de base Android et qui mettent leur surcouche avec un gros travail d’optimisation« .

Cela signifie que les scores reflètent autant les choix d’optimisation des constructeurs que les performances intrinsèques du matériel, créant potentiellement des inégalités dans l’évaluation finale.

Des paramètres ajustables selon les envies

La manipulation devient possible grâce à certains paramètres flous. Il y a quelques variables que les constructeurs peuvent ajuster. « Nos recommandations, c’est comment essayer pour que ce soit consistant entre les différentes marques« , avoue Xavier Frere.

Mais que se passe-t-il si un constructeur ignore ces recommandations ? « Ils peuvent le suivre parce qu’on n’est pas un organisme de certification« , répond l’expert. Cette phrase révèle l’ampleur du problème : aucune obligation réelle de respecter les paramètres suggérés.

Source : Ulrich Rozier pour Frandroid

Résultat concret : un constructeur peu scrupuleux peut baisser la luminosité de test, réduire le volume audio ou modifier les réglages par défaut pour améliorer artificiellement son score. « Tout le monde aurait choisi super bas » sans encadrement, reconnaît Xavier Frere.

L’audio représente un exemple parfait des défis de standardisation du protocole. Xavier nous explique que même un paramètre apparemment simple comme le volume peut créer des disparités significatives entre les tests.

Le protocole spécifie un volume précis de « 75 dB à 20 cm« , mais l’environnement de test peut fausser les mesures : « tu as un mur ici, tu lis la mesure comme ça, il y a des constructeurs à côté d’un mur qui va avoir plus ou moins de dB« .

Source : Ulrich Rozier pour Frandroid

Ces variations d’environnement peuvent sembler anodines, mais elles se traduisent par « 10, 20, 30 milliampères de différence » dans la consommation, soit suffisamment pour influencer le score final.

L’équipe de SmartViser a d’ailleurs dû créer un prototype spécial – « un prototype qui nous a permis de mettre au point le réglage du volume » – pour comprendre « exactement comment ça devait être fait en fonction du matériau, en fonction de à quelle distance d’un mur« .

Même des détails techniques apparemment mineurs peuvent avoir un impact mesurable sur l’efficacité énergétique déclarée.

Attention aux smartphones pliants

Les smartphones pliants illustrent parfaitement les limites du protocole. Samsung Galaxy Z Fold 6, Honor Magic V3, iPhone Flip hypothétique : comment les tester ? « Nous on a tranché, on considère qu’on doit faire le test écran fermé, écran ouvert et faire la moyenne des deux, mais ça se discute« , avoue Xavier Frere.

Pour aller plus loin
Smartphones pliables en 2025 : notre comparatif des meilleurs modèles

L’Union européenne n’a toujours pas tranché cette question pourtant cruciale. Chaque choix influence radicalement le score final d’appareils vendus plusieurs milliers d’euros.

Les écrans e-ink, nouvelles puces avec IA intégrée, technologies d’affichage révolutionnaires : le protocole court constamment après l’innovation. « À chaque nouveauté, nous on fait notre recommandation« , résume l’expert.

Cette approche réactive plutôt que prospective illustre la difficulté de normaliser un secteur en évolution constante. Le protocole, lui, a été créé il y a 3 ans.

Les griefs d’Apple

Apple dénonce également ouvertement les méthodes de test européennes comme étant fondamentalement défaillantes et déconnectées de la réalité.

La firme affirme que « les modes de défaillance spécifiques les plus courants observés lors de nos tests ne correspondent pas aux données réelles des clients sur le terrain« , particulièrement pour les tests de résistance aux chutes.

Pour aller plus loin
Apple vide son sac contre l’Europe : étiquettes énergies bidonnées, iPhone volontairement déclassés, tests de chute ratés…

Plus grave encore, Apple révèle avoir fait tester ses produits par trois laboratoires indépendants différents, obtenant des résultats qui variaient de trois lettres de notation entre eux, démontrant selon elle l’incohérence totale du système.

La firme critique également des paramètres techniques cruciaux laissés à l’interprétation, comme le « Full Resource Allocation » qui peut à lui seul changer une note d’une lettre entière.

Lorsque le FRA est activé sur un smartphone, la consommation d’énergie reste élevée après un transfert de fichiers en raison de l’activité réseau prolongée qui prévaut sur le mode d’économie d’énergie cDRX, contrairement à lorsque le FRA est désactivé, entraînant une augmentation de la consommation d’énergie // Source : Apple

Face à ces ambiguïtés qu’elle juge insurmontables, Apple a pris la décision radicale de saboter volontairement ses propres scores. « Tous les modèles d’iPhone ont obtenu la note A pour l’efficacité énergétique, mais nous avons choisi de volontairement rétrograder nos résultats au niveau B« , avoue la firme dans son rapport.

Apple va jusqu’à déclarer qu’elle « ne croit pas que ses scores finaux soient indicatifs de la véritable durabilité de l’iPhone et de l’iPad« , remettant en cause la légitimité même du système européen.

L’affichage des pourcentages de batterie

Un point essentiel révélé par l’interview : le pourcentage affiché sur votre écran n’est pas fiable pour les tests. « Le pourcentage de batterie, c’est pas une donnée 100 % fiable. Les marques définissent comme elles veulent« , explique Xavier Frere.

Concrètement : « On peut très bien avoir un téléphone qui n’a plus que 60 % de sa batterie réelle, mais le constructeur affiche 50 % parce qu’il veut inciter la personne à recharger plus vite, ou alors il met 70 %. »

Source : Ulrich Rozier pour Frandroid

Cette stratégie explique pourquoi certains smartphones semblent « tenir » à 10 % pendant longtemps : « Sur mon téléphone Samsung, comme il reste plus que 10 %, généralement je sais que j’en aurai encore pour longtemps par rapport à ces 10 %. Je pourrais encore utiliser 15 minutes alors que d’autres téléphones s’éteignent vraiment. »

C’est pourquoi le protocole EPREL mesure de 100 % (charge complète) jusqu’à l’extinction totale, ignorant les pourcentages intermédiaires.

Un outil imparfait mais qui a ses mérites

Malgré ces limites, Xavier Frere défend la valeur du système : « L’efficacité énergétique c’est un sujet important pour les consommateurs, c’est clairement un sujet de 2025. » Le protocole présente un avantage indéniable : il permet enfin de comparer objectivement des smartphones entre eux, qu’ils soient sous iOS ou Android.

« C’est vraiment une mesure d’efficience« , insiste l’expert. Cette nuance éclaire la logique du système : il ne s’agit pas de mesurer l’autonomie brute mais l’optimisation énergétique. Un iPhone avec une batterie plus petite peut surclasser un Android moins bien optimisé malgré sa batterie plus grosse.

L’étiquette va aussi au-delà du simple score énergétique en intégrant durabilité et réparabilité. Cette approche globale donne une vision plus complète de l’impact environnemental d’un smartphone sur sa durée de vie.

Surtout, ce protocole standardisé offre une base de comparaison uniforme. Avant, impossible de comparer sérieusement l’autonomie d’un iPhone testée par Apple avec celle d’un Galaxy évaluée par Samsung. Chacun utilisait ses propres méthodes, ses propres critères.

Le score européen, malgré ses défauts, impose enfin un référentiel commun. « Ça pousse les constructeurs à améliorer la satisfaction client au niveau de l’endurance des smartphones« , souligne Xavier Frere. L’effet d’entraînement est déjà visible : les marques optimisent leurs nouvelles gammes pour décrocher de meilleures notes.

Reste que ce score doit être pris comme un indicateur parmi d’autres, pas comme une vérité absolue. Il reflète un usage standardisé en laboratoire, pas forcément votre quotidien personnel. Complétez-le avec les tests indépendants des médias spécialisés, comme nous, pour une vision plus complète des performances réelles.


Rejoignez-nous de 17 à 19h, un mercredi sur deux, pour l’émission UNLOCK produite par Frandroid et Numerama ! Actus tech, interviews, astuces et analyses… On se retrouve en direct sur Twitch ou en rediffusion sur YouTube !

Fonte

DEIXE UMA RESPOSTA

Por favor digite seu comentário!
Por favor, digite seu nome aqui